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Mag’Santé : PSYCHIATRIE DU POINT G : LE SOUCI DE L’HUMANISATION

L’unité psychiatrique s’emploie à une prise en charge qui intègre les réalités spécifiques de notre environnement culturel

Ceux qui ont connu les années noires des malades mentaux au "cabanon" de l’hôpital du point G, peuvent aisément constater aujourd’hui des avancées dans l’organisation des soins et l’évolution du service de psychiatrie dans cet établissement hospitalier. Ces années où les malades entassés au « cabanon » (les deux sexes confondus) mourraient quasiment tous les jours ou presque, sont désormais rangés dans les oubliettes. Le service de psychiatrie du centre hospitalo-universitaire (CHU) du Point G, administre aujourd’hui la preuve de son utilité dans la prise en charge des personnes atteintes de maladies mentales.


Il faut rappeler que face à ces maladies, les gens ont une réaction particulière parce qu’une croyance ancienne mais tenace soutient qu’on ne guérit pas des maladies mentales et singulièrement de la folie. A cet effet, le Pr Baba Koumaré, chef du service de la psychiatrie de l’hôpital du point G trouve des explications à cette réaction particulière. Les deux plus grandes angoisses de la vie sont la peur de la mort (puisque l’homme reste le seul « animal » conscient de la mort et de son inéluctabilité) et celle de perdre raison. En d’autres termes de devenir fou pour ne pas être exclu de la société.
Si à un certain moment, le « cabanon » a été mis en place pour répondre à un besoin spécifique de garder les malades mentaux loin de la communauté, le besoin de réorganiser le service de psychiatrie, des années d’après indépendance, s’imposait pour mieux humaniser les conditions de soins des malades mentaux. A cet effet, le Pr Baba Koumaré, arrivé dans le service dans les années 1981-1982 a entamé ce chantier d’amélioration des conditions de soins.
Le servie de psychiatrie qui avait une capacité d’accueil de 110 lits se retrouvait par moment avec près de 70 patients dans le même grillage et d’autres dans les chambres d’isolement. Mais le Pr Baba Koumaré rend hommage aux multiples efforts accomplis par le Dr Faran Samaké et l’infirmier Soriba Dembélé dans la prise en charge des malades mentaux. Il apprécie également le coup de main apporté à notre pays dans ce domaine par un médecin de la Yougoslavie d’alors et un psychiatre français. Mais à l’interne ; les initiatives étaient aussi soutenues par les pouvoirs publics. Et l’ancien ministre de la Santé, N’golo Traoré, lui cernait particulièrement la santé mentale dans sa globalité. Cet homme partageait la vision des psychiatres de l’hôpital du Point G et la nécessité d’intégrer nos réalités dans l’environnement de soins.
UN VILLAGE DE MALADES MENTAUX. Le Pr Baba Koumaré précise l’importance de prendre en compte cette réalité africaine et malienne en particulier dans les soins en faveur des malades mentaux. Sur la base de cette évidence, l’hôpital du Point G, sur initiative des psychiatres, a sollicité et obtenu la subvention du crédit d’intervention direct (CDI) des partenaires pour la construction d’un village de malades mentaux et accompagnant sur la colline du Point G. Notre interlocuteur précise à ce propos que très peu de gens au départ croyaient à ce projet qui devrait se réaliser avec une main d’œuvre constituée de malades mentaux. Mais il précise que cette main d’œuvre particulière était rémunérée au quotidien et on opère une retenue sur les indemnités journalières pour être reversée au compte du repas communautaire des malades mentaux.
Mais même les entreprises maliennes étaient réticentes à s’engager dans ce projet qui leur paraissait plus qu’utopique. Baba Koumaré souligne que l’entreprise AETA qui évoluait à l’époque dans le BTP. Ainsi, le village a vu le jour avec 21 cases construites par cette entreprise avec une main d’œuvre de malades mentaux. Aujourd’hui, ce village symbolise l’humanisation des soins psychiatriques dans notre pays et plus précisément à l’hôpital du Point G.
Désormais les malades mentaux sont accompagnés par la famille, c’est-à-dire les proches parents qui restituent les circonstances de la survenue de la maladie mentale. Ce qui constitue un élément essentiel dans la prise en charge des patients. Le chef du service de psychiatrie de l’hôpital du Point G rappelle la nécessité d’acquérir certains équipements indispensables ou souhaitables pour mieux assurer les soins. A ce propos, un appareil d’électrochoc se fait ardemment désirer pour assurer une prise en charge efficace des cas de mélancolie grave. Les personnes atteintes de cette pathologie peuvent facilement se donner la mort si elles ne reçoivent pas rapidement un traitement approprié.
Le service de psychiatrie présente un village plus humain avec des compétences au service des malades. Le Pr Baba Koumaré est psychiatre à l’échelle africaine voire mondiale. Pour son expertise, l’Organisation mondiale de la santé lui avait confié pendant plus d’un an la mise en œuvre du programme de santé mentale et de lutte contre les toxicomanies. Il continue d’innover, d’améliorer les soins avec son équipe (7 médecins au total), des internes et des infirmiers spécialisés. Il faut rappeler à cet effet que la mise en place du programme de santé mentale dans le pays a abouti à la création d’unité psychiatrique dans les structures sanitaires de la région de Sikasso, notamment aux centres de santé de référence (Csref) de Sikasso et Koutiala mais aussi des unités légères à Fakola et Kolondiéba. Le combat du Pr Baba Koumaré pour mieux organiser l’offre de soins, en matière de santé mentale est de plus en plus porteur. Une grande avancée dans ce sens est la signature en juin dernier de l’arrêté de création du Certificat d’études spécialisées (CES) à la Faculté de médecine et d’odonto stomatologie. Il faut rappeler que le CES psychiatrie permettra de former sur place des spécialistes donc de mettre à disposition des ressources humaines compétentes.
Mais au delà de ces efforts, il y a un désert juridique dans notre pays dans le domaine de la santé mentale. Les responsables de l’hôpital du point G, déplorent l’absence de textes sur les conditions d’accueil et de soins des malades mentaux. Il n’existe aucune législation dans ce domaine a décrié le directeur général adjoint de l’établissement, Mamady Sissoko. Le cri du cœur de ce responsable de l’administration hospitalière est à prendre au sérieux puisque le Point G est actuellement confronté à un problème du genre. A croire les responsables de l’administration hospitalière, un malade avec des antécédents psychiatriques puisqu’il aurait déjà fait un séjour psychiatrique en France a été accueilli à deux reprises au service de psychiatrie du point G. Ce malade a décidé d’ester le Point G en justice pour séquestration. Il a estimé qu’il a été retenu contre son gré dans l’unité de soins psychiatrique explique t-on du côté du Point G. Il y a urgence mais surtout nécessité de prévenir des problèmes de ce genre qui risqueraient de compliquer la prise en charge des malades mentaux à l’hôpital du Point G et dans les autres unités de prise en charge psychiatrique.

 

Source: L'ESSOR

Dernière modification lemardi, 11 novembre 2014 00:06
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